Antoine Walsh, comte de Serrant
Le 14 Juillet 1789, quand éclate la Révolution, Antoine Joseph Walsh est le propriétaire du château de Serrant. Il a hérité, 7 ans auparavant, de son père François-Jacques Walsh, descendant d’une famille noble irlandaise. Le château avait été offert à ce dernier par son frère Antoine, riche armateur nantais.
Le comte Antoine-Joseph Walsh prend peur et fuit la France dès le 19 juillet. Il s’exile en Autriche, laissant derrière lui femme et enfants qui vont devoir faire face aux troubles révolutionnaires. Ainsi, le 18 octobre 1789, Renée Anne-Honorée de Choiseul, épouse d’Antoine Walsh, comtesse de Serrant, doit faire face à une foule en colère qui demande le remboursement d’amendes notamment pour des faits de braconnage.
Le 31 octobre 1791, l’Assemblée législative, par un décret, ordonna aux émigrés de rentrer avant le 1er janvier de l’année suivante sous peine d’être déclarés rebelles et déchus de leurs droits. Un second décret rétablit l’utilisation du passeport (Décret du 1er février 1792). Les princes ayant refusé d’obéir, la Législative ordonna le 9 février 1792 aux émigrés de rentrer sous peine de payer une triple contribution. La confiscation de leurs biens fut décidée le 30 mars 1792.
Une des astuces des émigrés pour tenter de sauver leurs propriétés consista à les transmettre aux héritiers le plus légalement du monde, en espérant que les dits héritiers pourraient rester en France. Antoine Walsh a deux enfants : une fille Sophie-Mélanie née en 1769 et un fils, Edouard-Gauthier né en 1771.
Sophie-Mélanie se marie en 1790 avec Xavier-César de Schomberg. C’est le neveu du général Charles-François Dupérier-Dumouriez, le vainqueur des Autrichiens à Jemmapes le 6 novembre 1792. C’est une chance d’être le neveu d’un général de l’armée révolutionnaire, chance qui tournera court lorsque le général fut déclaré traître à la patrie après avoir rejoint les armées autrichiennes en 1793. Quant à Edouard, handicapé, il reste célibataire.
Le contrat de mariage de Sophie-Mélanie avait bien préparé l’avenir. Il avait été établi le 14 octobre 1790 à Aix-la-Savoye. (En 1790, la Savoie est une province italienne) Deux éléments de ce contrat s’avérèrent très utiles dans les années suivantes. D’une part, Sophie-Mélanie est désignée comme héritière du domaine de Serrant et son frère Edouard usufruitier. En contrepartie, elle doit verser à ses parents une rente de 833 louis d’or. D’autre part, si Sophie-Mélanie décède sans enfants, Serrant retournera à son père Antoine Walsh.
Renée de Choiseul Beaupré
Dessin du château de Serrant au début XIXème siècle par Louise de Vaudreuil
Mais Sophie-Mélanie est inscrite comme son père sur la liste des émigrés. La loi du 30 mars 1792 s’applique. Serrant va être vendu comme “bien national”. Renée de Choiseul-Beaupré, épouse d’Antoine Walsh décède au cours de l’année 1793. Le 1er octobre 1793, le château est mis sous séquestre. Et le 1er pluviôse an II de la république (20 janvier 1794), le château est inventorié et les scellés posés par Jean-Baptiste Sortant en présence du fils Edouard Walsh. A partir de cette date, tous les revenus du domaine sont la propriété de l’État. Dans le registre des revenus et séquestres des biens des émigrés du bureau de Saint-Georges, on retrouve les fermages des métairies de Serrant durant l’été 1794. Ils sont donc versés à l’État.
Le 13 avril 1795, Sophie-Mélanie obtient sa radiation de la liste des émigrés. A cette date, elle a sans doute pu rentrer en France sans risque. Au vu du contrat de mariage, le Département réexamine la mise sous séquestre et juge légal que le domaine lui revienne. Par contre, la rente de 833 louis d’or ne peut pas parvenir à son père émigré et doit revenir à l’État. A l’étranger, Antoine Walsh s’est remarié avec Louise Rigaud de Vaudreuil, veuve du Marquis de Valady, en 1795.
Serrant ne doit pas être une résidence sûre car Sophie-Mélanie habite Le Mans du 20 décembre 1795 au 26 mars 1796 et son frère du 20 décembre 1795 au 22 mars 1796. A partir de cette date, les vies des deux enfants Walsh divergent. Sophie est signalée à Paris en janvier 1798. Et il semble qu’elle ne verse plus la rente de 833 louis d’or. Edouard rentre à Saint-Georges, s’installe au château d’Eculard, et met en valeur le domaine paternel. Le 11 décembre 1797, il ne peut s’opposer à une deuxième mise sous scellés du château. Un père émigré, une sœur qui ne respecte pas ses engagements, une source de revenus qui se tarit, poussent l’administration départementale à ce geste important. En effet, tous les fermages et les arrérages reviennent à nouveau dans les caisses de l’État. Le séquestre ne sera levé que le 27 novembre 1799, sans doute à la demande d’Édouard. Mais il est transformé en saisie-arrêt sur la rente de 833 louis d’or, soit 40 000 livres. Cette saisie-arrêt est levée le 25 décembre suivant.
Coup de théâtre, Sophie-Mélanie décède sans enfant le 31 août 1800. Le contrat de mariage précise bien que Serrant doit revenir à son père… Il est toujours à l’étranger. Édouard continue à gérer et exploiter le domaine. Il espère bien s’approprier Serrant. Mais le Consulat autorise Antoine Walsh à rentrer à Paris le 29 décembre 1800 et, le 2 avril 1802, il est rayé des listes d’émigrés. Il peut donc reprendre Serrant. Son fils n’apprécie pas le retour du père. Le frère d’Antoine, Charles Walsh, ruiné, demande une part du gâteau : installé dans le château de Chevigné, il a en effet assuré une part de la gestion des biens de Serrant aux premières heures de la Révolution. La zizanie s’installe dans la famille, une famille qui a réussi à garder Serrant : procès du fils contre son père, procès entre les deux frères. Antoine Walsh récupère finalement son domaine. Edouard s’installe à Eculard où il décède le 8 janvier 1825.