Saint Georges Patrimoine

Beausite en l'an VI

1798

Durant la Révolution, on cherche à faire disparaître toute référence à la religion. Saint- Georges prend le nom de Beausite le 18 avril 1794, et cela pour 4 années. Le calendrier a également changé. Le calendrier révolutionnaire est institué le 24 octobre 1793 par la Convention nationale. Le début de la nouvelle ère est fixé à l’équinoxe de l’automne précédent, le 22 septembre 1792, jour de la proclamation de la République, qui devient ainsi le 1er vendémiaire an I. L’an VI, c’est donc l’année 1798. La Révolution va fêter sa première décennie.

signature de pierre gourdon

La signature de Pierre Gourdon (ADML)

signature du vicaire coudroy

La signature de Coudroy (ADML)

Au mois d’avril de l’an VI de la république, Pierre Gourdon, saint-georgeois fils de tonnelier devenu bourgeois influent avec la Révolution, est nommé comme commissaire du canton de Beausite. Il rédige un rapport sur la situation du canton à destination du commissaire central à Angers. Ce rapport nous éclaire sur le Saint Georges de la fin de la période révolutionnaire.

Gourdon note d’abord que les habitants de Beausite restent plutôt favorables à la Révolution. Les cinq chanoines qui occupaient l’abbaye et le curé ont tous prêté serment à la République. Le curé Gournay a ainsi renoncé à ses fonctions religieuses et est devenu agent municipal jusqu’en l’an IV avant de démissionner et de se retirer. Le vicaire Coudroy avait suivi le même chemin mais proche des armées vendéennes des chouans, il est condamné par l’Administration à six mois de prison et part dans la région du Plessis Macé où il poursuit « ses abominables projets », selon Gourdon.

A Beausite, on célèbre les fêtes nationales qui viennent ponctuer le nouveau calendrier et se substituer aux fêtes religieuses. Par exemple, lors de la fête des époux, célébrée le 29 avril ; on assiste dès 7h du matin à un défilé des troupes républicaines à pied et à cheval suivies par tous les fonctionnaires publics. Puis on se rend au pied de l’arbre de la liberté, entendre discours et hymnes. Puis on se rend à la maison commune pour de nouveau un moment institutionnel avant de rejoindre un bal ouvert de 2h à 9h du soir au son des violons. Gourdon note que 500 citoyens et citoyennes ont participé à la fête dans un esprit fraternel.

Gourdon fait un état des lieux de l’instruction. L’école publique pour les garçons est conduite par le citoyen Louis Poisson, ancien vicaire. Celui-ci faisant l’objet de nombreuses plaintes sera remercié durant l’année par le conseil municipal qui lui préférera le citoyen Corbineau, « connu pour son civisme et son amour pour la patrie ». Il y a également deux écoles de filles : celles-ci sont privées. Marguerite Letheule enseigne dans l’une d’elles. Gourdon considère qu’elle reste attachée aux valeurs de l’ancien régime, mais, pratiquant des tarifs bas, elle conserve un certain succès notamment chez les moins fortunés. En effet, si l’école est publique, elle n’est pas gratuite et l’instituteur a des demandes que seuls les plus aisés peuvent couvrir. Gourdon explique que le logement de l’instituteur a été vendu par le département ce qui lui occasionne des dépenses supplémentaires.

tableau montrant la garde nationale en 1791

Officier et soldats de la garde nationale en 1791

Gourdon affirme ensuite que Beausite est un village sûr et protégé. Ce n’a pas toujours été le cas : on se souvient certainement encore de la période où le village était frappé par les pillages des milices de chouans cachées dans les bois de Saint Augustin. Les rondes de polices sont régulières empêchant les rassemblements suspects, on patrouille sur les routes et dans la campagne et l’on contrôle les passeports strictement dans ce bourg fréquenté par de nombreux voyageurs s’arrêtant dans les auberges, malgré des routes et des chemins en très mauvais état. Cependant, le transfert de la brigade de gendarmerie à Ingrandes depuis peu inquiète : Gourdon juge son rétablissement à Beausite souhaitable. Il y a une prison à Beausite qui semble bien peu efficace à maintenir enfermé qui que ce soit : il n’y a ni gardien, ni concierge…

Depuis la loi du 29 septembre 1791, les communes se doivent d’organiser une garde nationale chargée de suppléer les forces de l’ordre dans la sécurité intérieure. Cette milice sert également d’outil répressif et de renseignement. Gourdon est commandant de la garde-nationale et chargé de donner les ordres pour sa mise en place. Mais en l’an V (1797), les compagnies peinent à se constituer à Beausite et Gourdon est rappelé à l’ordre. En l’an VI, Gourdon fait état d’une garnison de 25 hommes d’infanterie et de 8 cavaliers qui assurent un service lorsque la troupe est absente.

Beausite est entouré de bois, de forêts et de campagne : les gardes champêtres ont fort à faire et sont assez nombreux. Deux d’entre eux, Lapierre et Grandin, travaillent au château de Serrant et ont un passif dans la chouannerie. Gourdon les a à l’œil et envisage de les désarmer. Les forêts qui appartenaient à l’abbaye ont été nationalisées puis vendues par l’administration. Elles fournissent un bois de chauffage mais inutilisable pour la construction. Les gardes forestiers, négligents, ferment les yeux sur des coupes inappropriées qui dévastent les bois. Le garde des bois de la nation, un certain René Daunereau, que Gourdon juge « paresseux car il n’a dressé aucun procès-verbal », semble aussi faire preuve d’un certain laxisme.

On célèbre de nouveau des offices dans l’église. Mais Gourdon juge que « la religion qu’on y sert ne nuit pas aux intérêts de la République ». On est averti des cérémonies au son d’une petite cloche qu’on actionne à la main : le clocher a été détruit et les cloches descendues.

Au niveau de la santé, Beausite possédait une maison de charité, un hospice avec trois officiers de Santé : Constant Leroy, Jacques-Louis-Marie Granger et Jean Renou. Ce dernier, chirurgien ayant pris une part active dans l’administration suite à la Révolution, deviendra maire de Saint Georges deux ans plus tard. Mais, le département a vendu ce bâtiment qui servait également d’école et qui était tenue par des sœurs ayant refusé de prêter serment. Cette maison, située rue nationale, qui avait eu pour enseigne « Le chapeau rouge », a par la suite abrité la bibliothèque paroissiale avant d’être détruite dans les années 1990. En l’an VI, un bureau de bienfaisance vient donc de se constituer pour ouvrir un établissement du même type. Gourdon note aussi la présence d’une guérisseuse qui « tire les cartes et séduit les esprits faibles ». Cependant et par chance, aucune épidémie ne frappe la commune : la police a soin d’empêcher les dépôts d’ordure trop souvent vecteurs de maladies.

Il semble que la population de Beausite souffre d’une certaine pauvreté. Suite aux guerres, de nombreuses femmes, veuves, sont réduites à la mendicité. Gourdon donne pour exemple Anne Huteau dont le mari, Pierre Bernard est mort fusillé par des chouans dans bois de Jaulnay à Saint Augustin des Bois alors qu’il guidait les armées républicaines. Il avait auparavant fait trois campagnes comme canonnier. La voilà, seule, sans revenu, avec quatre enfants à nourrir, « infortunée dans la plus affreuse détresse ».

la signature de Jean Renou

La signature de Jean Renou (ADML)

Chateau de serrant au XVIIIème

Le château de Serrant au XVIIIème siècle

Qu’en est-il de l’administration ? Gourdon note que les contributions de l’an passé sont loin d’avoir toutes été acquittées. Le receveur, qui « tient un peu à l’ancien régime », manque de fermeté pour collecter les impôts. Le juge de paix, Jean-Baptiste-Maurice Sortant, dont l’oncle, René-Guy Sortant, avait tenu le relais postal, est un homme de cœur mais « il ne traite les affaires qu’à l’auberge, où souvent l’appât de la bouteille lui donne de la partialité ». Ce sont ses assesseurs qui assurent le traitement des affaires.

Le 21 frimaire an VI (11 décembre 1797), ce même Jean-Baptiste Maurice Sortant, avait exécuté l’ordre du  « commissaire de directoire exécutif près l’administration centrale du département de Maine et Loire » d’apposer les scellés « en la maison de Serrant », c’est à dire au château de Serrant. Serrant est alors vide de ses propriétaires.  Le comte, Antoine Walsh, est parti à l’étranger depuis juillet 1789.  La comtesse, Renée de Choiseul qui a fait face aux tourments de la Révolution seule, est morte. Le domaine, château et terres, n’a été ni vendu ni démantelé, mais gardé, surveillé à distance par les enfants Walsh : Edouard, qui habite Eculard, et Sophie-Mélanie, mariée à César-Xavier de Schomberg, neveu d’un célèbre général, qui, malgré des rivalités, préservent leurs biens. Le château avait déjà fait l’objet d’une mise sous scellés en 1794, suite à sa nationalisation. Mais au retour de Sophie-Mélanie d’exil en 1795, le Département avait jugé que le domaine lui revenait. Elle doit cependant verser à l’état, une rente de 833 louis d’or. En l’an VI, Sophie-Mélanie, partie vivre à Paris, ne tient pas cet engagement et l’administration ordonne la saisie.  Il faudra 5 jours à Jean-Baptiste Maurice Sortant pour mener à bien la visite des lieux et noter tout ce qu’ils renferment.