L’ancienne école de filles, aujourd’hui propriété privée
En 1901, la rentrée scolaire dans le village se fait sous le signe de la nouveauté : une école de fille, laïque, va ouvrir ses portes à Saint Georges. Certes, la majorité des filles étaient déjà scolarisées depuis longtemps : la première école les accueillant avait vu le jour en 1714 lorsque Marguerite Bautru avait exaucé le vœu de son père Guillaume III Bautru, propriétaire du château de Serrant, de créer « une petite école tenue par deux filles de charité ».
Depuis la moitié du XVIIIe siècle, l’enseignement s’était développé, essentiellement sous la houlette de l’église catholique. Les lois Guizot de 1833 et Falloux en 1850 avaient tenté d’étendre l’instruction primaire à une majorité de petits Français, et même de petites Françaises. Les premières dues à François Guizot, historien membre de l’Académie Française et ministre de l’instruction sous la monarchie de juillet, rendaient obligatoire la création d’une école primaire par commune. Les secondes, dues à l’angevin Alfred de Falloux, ministre de l’instruction sous Louis Napoléon Bonaparte, ajoutaient l’obligation pour les communes de plus de 800 habitants d’avoir une école de filles. Ces lois donnaient également une place importante à l’enseignement privé dit « libre » : si les maîtres dans l’enseignement public se devaient d’être formés dans les écoles normales et recrutés par les communes, il suffisait d’un baccalauréat pour un congréganiste et d’une simple lettre d’obédience pour une religieuse pour ouvrir une école libre.
En 1850, le conseil municipal de Saint Georges, novateur, décide que tous les garçons de la commune doivent être admis gratuitement. Jusque là, seuls les enfants les plus pauvres dont la liste était établie par la municipalité bénéficiaient de la gratuité de l’enseignement. En 1852, cette mesure s’applique aussi aux filles.
En 1881, Jules Ferry, ministre de l’instruction publique, fait voter les textes imposant dans toute la France un enseignement obligatoire, gratuit et laïque. C’est un tournant important qui écarte les autorités religieuses des écoles de la République. Quelques années plus tard, l’Etat prendra en charge le traitement des instituteurs : il n’incombe plus, alors, aux municipalités ni de recruter ni de rémunérer les enseignants. C’est le début d’une éducation nationale. Ne restent plus à la charge des communes que l’achat et l’entretien des bâtiments et des fournitures scolaires comme aujourd’hui.
extrait de la délibération du conseil municipal de 1901
C’est dans ce contexte, qu’au beau milieu de l’été 1901, le conseil municipal décide d’acquérir une maison dans le bourg de Saint Georges pour en faire une école laïque de filles. Cette maison appartient à madame Gatine, née Eugénie Toupelin de la Doilière qui en a hérité. La demeure est située sur la grande rue (aujourd’hui la rue nationale) et sa cour fait l’angle avec la rue brutale (aujourd’hui la rue des parements). Le général Faugeron, maire de Saint Georges et l’inspecteur d’académie l’ont visitée le 12 mai et l’ont trouvée parfaitement adaptée pour l’installation de l’école communale de filles à condition que la fourniture d’eau y soit assurée. Il y a en effet une pompe au coin de la rue (toujours visible) mais l’école n’a pas d’eau courante comme bon nombre d’habitations à cette époque.
Monsieur Dussauzel, architecte départemental, est chargé d’établir un projet de travaux et un devis afin que les locaux puissent être utilisés dès la rentrée. Le 20 octobre 1901, l’inspecteur chargé de l’enseignement primaire écrit « le nouveau local répond à sa destination. Il y a lieu de le présenter tel qu’il est, sans proposer de modifications » Quelques semaines auparavant, Mademoiselle Bouquinat, l’institutrice nouvellement nommée, avait remercié le maire pour l’achat des dix tables d’écolières à deux places, le bureau de maîtresse et les deux tableaux sur chevalets. Elle demandait également trois autres tables et des bancs pour faire asseoir les enfants qui déjeunaient à l’école.
Mais la création de l’école n’est pas du goût de tous. Dès le 15 août, Jeanne Pichaud informe le maire qu’elle va ouvrir une école catholique primaire de filles puisque celle qu’elle dirigeait jusqu’alors vient de perdre son titre d’école communale. Dans le même temps, Jean-Baptiste Meignan fait la même démarche et ouvre chemin de la Varenne (aujourd’hui rue de l’abbaye) une école catholique de garçons. Une rivalité entre enseignement public et privé s’installe dans un bourg qui compte alors 2 354 habitants.
La municipalité doit également faire face à des frais imprévus pour les travaux : il a fallu creuser jusqu’à 14 mètres un puits alors qu’on pensait trouver de l’eau à 9 mètres, les murs de clôture se sont révélés en mauvais état, il a fallu installer des latrines, etc… La facture initialement prévue à hauteur de 8 800 francs, s’élève désormais à 12 450 francs. Le conseil municipal demande à l’Etat une subvention pour couvrir ces dépenses dues à « une laïcisation qu’il n’avait ni désirée, ni prévue ». La situation financière est compliquée : l’année précédente, une grave tempête a provoqué d’importants dégâts qui ont coûté très cher à la commune !
Les premiers mois de l’école ne satisfont pas les parents. Le 28 août 1902, Monsieur Hamard, viticulteur et marchand de vin en gros de la commune, s’énerve dans un courrier à la municipalité. Dès l’ouverture, il a inscrit sa fille dans l’école laïque, créée d’après lui dans « des conditions déplorables ». Il parle d’une salle de classe ayant hébergé précédemment des poitrinaires, c’est-à-dire des personnes souffrant de tuberculose et qui n’a pas été désinfectée avant d’accueillir les enfants. Il relève aussi le fait que certaines séances d’enseignement aient dû se dérouler dans la cour, faute de place suffisante. L’école a-t-elle été victime de son succès à son ouverture ? Hamard sollicite pour les fillettes plus d’égard.
Les choses n’ont pas dû s’arranger tout de suite. En 1907, monsieur Gatine, l’ancien propriétaire, rédige une lettre au nom des parents qui l’ont, dit-il, sollicité. Il y note que « le bâtiment est dans un état déplorable. Les ouvertures ne ferment pas. Le papier se décolle par l’humidité. Il n’y a pas de parquet. Le piétinement des enfants fait une poussière infecte. L’institutrice n’a point ou presque pas de charbon ». Il sollicite une entrevue avec le préfet.
Malgré ces premiers pas difficiles, l’école communale et laïque de filles a tenu bon. Elle a offert durant une grande partie du XXe une instruction publique et gratuite aux petites filles de Saint Georges. C’est dans cette école que sera raflée la petite Irène Keller en 1944. En 1972, cette école si difficilement ouverte, est redevenue un bâtiment privé. Cette année-là, la municipalité ouvre un groupe scolaire mixte, l’école Jean-Baptiste Lully, du nom du fils du célèbre musicien qui fut abbé commendataire de Saint Georges à la fin du XVIIe.
Extrait de la lettre à la municipalité de Monsieur Hamard, parent d’élève mécontent en 1902