Saint Georges Patrimoine

Les sociétés d’hommes au XIXème

1823-1886

Le XIXème siècle, qui a connu de grands bouleversements politiques, a vu naître aussi de nouvelles organisations de la société notamment dans les campagnes. Les lieux de rencontres anciens, tels que les confréries ou les corporations de métiers avaient disparu. Restaient, dans le monde rural, les veillées réunissant en groupe distincts les hommes, les femmes et les enfants. Dans le bourg de Saint Georges, on trouvait également de nombreuses auberges et cabarets fréquentés essentiellement par des hommes et des gens de passage. Les beuveries, les bagarres, les jeux d’argent et parfois « les femmes de mauvaises vie » en faisaient des lieux peu fréquentables.

Dans la première moitié du XIXème siècle, vont donc être créés de nouveaux lieux de rencontres strictement masculines : les sociétés. Saint Georges sur Loire en comptera quatre. Trois d’entre elles se proclameront laïques et indépendantes de toute idéologie quand la dernière se revendiquera catholique. Ce sont les sociétés de l’Union, de la Paix, du Port Girault et de la Fraternité.

Un règlement strict s’applique à tous leurs membres sous peine d’amende ou d’exclusion. « Toute décision de la majorité est obligatoire pour tous. (…) Le président a le droit d’imposer des amendes à ceux qui en sont passibles », précise le règlement de L’Union. Ces textes d’encadrement sont affichés dans chaque lieu de rencontre afin que nulle ne puisse les ignorer. Les responsables sont élus par l’ensemble des membres pour une durée définie. La comptabilité est précise, exercée par un seul homme sous contrôle. « Le caissier est chargé des écritures et de la comptabilité et chaque trimestre, il donnera l’état des recettes et dépenses », explique le règlement de la Paix.

Toutes ces sociétés ont été créées pour la détente, le divertissement de leurs membres et offrent des activités de loisirs parmi lesquelles le jeu de boule occupe une place centrale, notamment la boule de fort et la boule de sable. Ainsi à la Fraternité, « la société a pour but l’amusement », au Port Girault, « Le but exclusif est de procurer un délassement, une récréation utile à l’aide de jeux de boules et de cartes exclusivement », et à l’Union, « la société a pour but de procurer à ses membres un lieu de lecture et de conversation et des jeux honnêtes. Les jeux de hasards sont interdits ».

le cercle de l union au début du XXIe

Le cercle de l’Union créé en 1923

règlement de la société de l'Union
la société de la Paix

La société de la Paix créée en 1847

règlement de la société de la Paix

L’admission dans ces groupes est soumise à une procédure précise : il faut être présenté par un des membres, écrire une lettre de candidature par laquelle on accepte la totalité du règlement et attendre qu’un vote accepte ou non le candidat. Des hommes extérieurs à la commune sont acceptés à condition d’être accompagnés par un membre sociétaire. Pour la société de la Paix, catholique, il est nécessaire de « jouir des droits civiques et de l’estime publique, d’assister régulièrement aux offices du dimanche et de remplir ses devoirs religieux dans le temps pascal. »

Ces sociétés rassemblent ainsi des personnes d’origines parfois diverses, de professions diverses, unies par l’acceptation d’un même règlement fait de respect de l’autre et de celui des biens communs. Elles contribuent de ce fait, à un apaisement de la société. « Toute altercation, toute dispute est formellement interdite », précise l’article 8 de la société du Port-Girault.

C’est la société de l’Union qui fut la première créée, le 24 mars 1823. Elle est située, dès l’origine, dans le bourg, et de ce fait, a un recrutement plutôt bourgeois avec de nombreux propriétaires et commerçants. C’est une société « au chapeau », signe distinctif des participants, qui deviendra beaucoup plus tard « à la casquette », lorsqu’elle s’ouvrira à une population ouvrière et paysanne.

La société de la Paix vient en 1847 augmenter l’offre de réunions masculines. C’est vraisemblablement curé Branchereau qui en est le fondateur puisque le mobilier (billard, chaises, tabourets, tables…) lui appartient. Peut-être a-t-il voulu en installant sa société à la Villette, c’est-à-dire en campagne, près de la Loire, procurer aux paysans les divertissements qu’avaient les habitants du bourg. Il a voulu aussi encadrer, sinon surveiller étroitement leurs pratiques religieuses : une amende est prévue pour avoir blasphémé le saint nom de Dieu ».

La société du Port Girault est créée en 1872 puis celle de la Fraternité en 1886. Elles se tiendront toutes deux soigneusement éloignées des engagements politiques ou religieux en affirmant « il est formellement interdit d’avoir des discussions à propos de politique ou de religion », comme c’était déjà le cas à l’Union. La création des ces société a lieu dans des moments de grandes tensions politiques et sociales : la chute du second Empire après la défaite face aux Prussiens, la naissance difficile de la troisième République, de longue grève qui divisent la société française… La vie économique est également marquée par de nombreuses crises : les mauvaises récoltes ont entrainé des hausses du prix des céréales et du pain. Les règlements de sociétés visent donc à maintenir le calme !

Les revenues des sociétés comprennent des mises d’entrée, des cotisations annuelles ou trimestrielles aux quelles s’ajoutent les amendes. Il est également possible d’acheter des consommations sans toutefois faire concurrence aux débits de boisson car les horaires d’ouverture sont identiques. On consomme essentiellement du vin et « les boissons seront de bonnes qualité et vendues au prix fixé par le bureau », précise le règlement de l’Union.

A Saint Georges sur Loire, comme dans les autres villages d’Anjou, se sont formés tout au long du XIXème des groupes structurés qui ont proposé à leurs membres, outre des lieux de rencontre, des activités et une culture semblable, facilitant la vie commune en imposant des relations respectueuses et courtoises. Certaines de ses sociétés perdureront au XXème et jusqu’à nos jours, s’ouvrant à un public plus large, notamment aux femmes. La société de la Fraternité a fermé ses portes, la société du Port Girault est devenue Les Amis réunis et la société de la Salle a été créée.

Sources : Françoise Capelle dans le bulletin d’HCLM n°66 de juin 2020 – pages 1 à 3

règlement de la société de la Fraternité