Portrait de Jean Delespine (Musées d’Angers)
On connaît l’arbre au fruit, l’ouvrier à l’ouvrage
Les tiens portent assez, Lespine, témoignage
De l’excellent esprit dont Dieu t’a pourvu,
Quand parmi les plus grands en crédit on t’a vu,
Pour très bien dessiner et palais et châteaux,
Donner pour ornement colonnes et chapiteaux,
Et tout œuvre qui vient de l’art d’architecture,
Garder de près les lois de l’antique structure.
Ces vers étaient gravés dans une plaque de cuivre sur le tombeau de Jean Delespine dans l’église du couvent des Carmes à Angers. Le maître-maçon reposait à quelque pas de sa propriété de la rue Beaurepaire. L’épitaphe témoigne de l’admiration pour celui qui fut le flambeau de la Renaissance en Anjou. On doit au génie de Jean Delespine des monuments magnifiques, ancrés dans l’identité de l’Anjou.
Jean Delespine ou Jehan de Lespine naît à Angers en 1505 dans un logis de la rue des Fille-Dieu. On ne sait rien de sa famille ni de sa formation. Il est cependant plus que probable, qu’il ait suivi un apprentissage corporatif, une formation professionnelle et artistique ordinaire au XVIème siècle. À ses débuts, il est l’élève de Jean Mariau, architecte de la ville d’Angers.
La première œuvre connue de Jean Delespine est la chapelle Saint-Anne dans l’église du vieux Baugé dont la construction lui est confié en 1532. Cette même année, un violent incendie ravage la cathédrale Saint Maurice d’Angers. Le Chapitre charge Jean Delespine, jeune architecte de 27 ans, d’estimer les dégâts et de réaliser un devis pour faire les réparations. Les travaux sont conséquents : il faut refaire la voûte et l’arc au-dessous du clocher, renforcer les deux clochers de la façade, reconstruire la flèche nord et restaurer les galeries. Jean Delespine estime le montant des travaux à 32 000 livres. Quatre autres devis sont réalisés par des maîtres-maçons de renom et un autre par le charpentier de Tours. On suppose que la proposition de Jean Delespine était plus intéressante car il signe le marché le 12 juin 1934. Les travaux de réfections durent cinq ans : Jean Delespine qui s’est lui-même charger de payer les ouvriers n’a dépensé que 15 000 livres pour un résultat remarquable.
Le 19 juin 1935, Jean Delespine succède à son maître Jean Mariau, comme « commissaire des œuvres et réparation d’Angers », un poste qu’il occupera jusqu’en 1571. Il réalise de nombreux travaux pour la ville : réfection de la fontaine du Pié-Boulet en 1536, de moulins et de ponts. Dans le cadre de ses fonctions, Jean Delespine entre en contact avec le contrôleur des Bâtiments de France, Philibert Delorme, grand Architecte des Tuileries.
Jean Delespine lancer de nombreux chantier : reconstruction du cloître de l’hôpital Saint Jean d’Angers, le clocher de l’église de la Trinité à Angers (1540), le portail de l’Hôtel de Ville (1541). Il est également chargé par la ville d’Angers de travaux de décoration des rues et des édifices publics pour la venue du roi Henri II en 1551 et pour l’entrée de Charles IX en novembre 1565. En 1556, Jean Delespine construit le Port Ayrault, en 1558, l’auditoire et la grande salle du Présidial et en 1562, la Porte Toussaint et la tour Guillon.
Jean Delespine va également travailler sur de nombreux autres projets, répondant à des commandes de religieux ou de seigneurs. C’est ainsi qu’il va réaliser son chef d’œuvre : l’hôtel Pincé d’Angers. Jehan de Pincé avait réalisé ce logis aux environs de 1530. C’est alors qu’il décide d’agrandir sa demeure qu’il va recruter Jean Delespine. Les travaux débutent vers 1535 et se terminent vraisemblablement en 1541. Cet ouvrage admirable d’une grande élégance permet, encore aujourd’hui, d’admirer le talent et l’originalité de Jean Delespine.
En 1552, Jean Delespine réalise le tombeau de Guy III d’Espinay dans l’église de Champeaux en Ile et Vilaine, témoin de ses talents de sculpteurs.
Le maître-maçon est très demandé : on le demande pour agrandir et embellir les châteaux de l’Anjou et des environs. Il dirige les travaux à Ancenis, la flèche, Valençay, offrant des fleurons de la Renaissance.
En 1539, Péan de Brie, seigneur de Serrant, dépêche l’architecte angevin Jean Delespine pour construire un corps de logis bâti autour d’un escalier à double volée contrariée. Les travaux seront poursuivis à la mort de Péan par son fils ainé, Madelon puis par son frère Charles. A la mort de ce dernier, en 1593, les travaux ne sont toujours pas achevés et la famille est ruinée.
En 1571, jean Delespine demande à être relevé de ses fonctions auprès de la ville d’Angers. Il meurt en 1576 à Angers. Son corps repose dans l’église du couvent des Carmes.
Tu as élaboré temples et sépultures,
Logis des ossements des nobles créatures ; (…)
De ton nom la mémoire autant continuera
Que ce monde mortel ici-bas durera.
Escalier du château de Serrant réalisé par Jean Delespine