Le chateau de Serrant au XVIIIème siècle
Que se passe-t-il donc au château de Serrant, ce dimanche 18 octobre 1789 ? Les alentours du château bruissent de vociférations, de menaces, lancées par des gens de peu qui sont rassemblés en nombre dans les cours.
Pierre François Oger, le notaire «royal a Angers résidant à St Georges» a été appelé en hâte par la châtelaine «haute et puissante dame Renée Anne Honorée de Choiseul, épouse de très haut et puissant seigneur Messire Antoine Joseph Philippe Walsh, comte de Serrant».
La formule est respectueuse, pleine de déférence et traditionnelle. Nous sommes encore sous l’Ancien Régime. Pourtant, une fracture vient de s’opérer.
Le notaire arrive, avec précipitation ; il n’est pas encore midi. Il trouve «dans la cour d’entrée beaucoup de monde armé de bâtons» et, poursuivant son chemin «une quantité de monde bien plus considérable qui…..faisait foule au devant de la porte d’entrée de manière qu’ils bouchaient absolument le passage» .
Actes notariaux rédigés lors des émeutes du 18 octobre 1789 à Serrant
Réussissant à pénétrer «après différentes tentatives» dans le château de Serrant, Pierre-François Oger trouve «dans un petit sallon» madame de Serrant, avec plusieurs personnes parmi lesquelles Ô Sullivan «prestre demeurant ordinairement au château».
Tout ce petit monde a peur, car «le tumulte de la menace augmente».
Le comte Antoine Walsh est absent. Dès le mois de juillet il a quitté le pays, pour l’Autriche. Il fait partie des premiers émigrés. La comtesse est donc seule responsable à faire face aux émeutiers. Elle a près d’elle un abbé Ô Sullivan, qui atteste de la présence irlandaise à Saint-Georges.
Si elle a demandé au notaire, c’est qu’elle veut dresser acte «du trouble que faisaient les particuliers qui sont dans les cours et …dresser quittance des sommes qu’ils exigeaient».
Car nous voilà bien au cœur du problème ! Cette foule bruyante, injurieuse, réclame le remboursement immédiat d’amendes, payées parfois longtemps avant, et qui ont été ressenties comme autant d’injustices, profondes et humiliantes.
Alors «la dame de Serrant…effrayée…a dit au sieur assolivant de payer les particuliers pour éviter de plus grandes suites et malheurs»
A ce moment là, la comtesse s’éclipse et l’abbé Ô Sullivan reçoit chacun des plaignants pour le rembourser. Il verra ainsi défiler 28 personnes dans la journée.
Ce sont les mêmes raisons qui reviennent de manière constante : pacage dans les bois, coupe d’herbe, de lande, chasse avec parfois, circonstance aggravante, un fusil, pose de collets, abattage d’un chêne… Le braconnage était monnaie courante alors que la chasse n’était autorisée que pour les seigneurs. L’un d’eux se plaint qu’on lui ait tué un chien et demande le paiement du dommage.
En tout, l’abbé Ô Sullivan rembourse plus de neuf cent quarante huit livres, une somme rondelette si l’on songe au prix du blé, (20 sols le boisseau soit une livre les 17 litres à peu près) qui a doublé en un an.
Nous savons que le dimanche suivant, d’autres payements s’effectueront.
Nous savons aussi que madame de Choiseul Serrant mourra en 1793.
Le château ne souffrira pas de la Révolution et le comte de Serrant rentrera d’exil en 1802, après avoir épousé Louise Rigaud de Vaudreuil.
Renée Honorée de Choiseul Beaupré (1742-1793)