Saint Georges Patrimoine

L'école à la Révolution

1797

En 1791, Talleyrand présente devant l’Assemblée nationale un projet ambitieux d’instruction publique. Il faudra attendre 1793 pour que s’établisse une instruction nationale et que l’école soit proclamée gratuite et obligatoire… mais seulement pour les garçons. En 1794, les communes ont pour obligation de recruter des maîtres. Depuis le début du XVIIIème, Saint Georges possédait une école fondée par Marguerite de Bautru, châtelaine de Serrant, fille de Guillaume III Bautru et épouse de Nicolas Bautru de Vaubrun. Celle-ci est située dans une maison de charité qui fait également lieu d’hospice et est dirigée par des soeurs. Mais à la Révolution, ce bien va être nationalisé et vendu comme en fait état le citoyen Pierre Gourdon dans son rapport de l’an VI. La commune recrute le citoyen Louis Poisson, un jeune vicaire, âgé de 28 ans, qui a déjà enseigné à Angers, rue Tournemine, pour faire  la classe. Mais un courrier daté du 2 floréal de l’an V, c’est-à-dire le 21 avril 1797 dans le calendrier révolutionnaire, nous apprend que suite à des plaintes des parents, la commune doit rappeler à l’ordre le maître !

transcription du courrier adressé au citoyen poisson en 1796

Transcription du courrier adressé au citoyen Poisson

Provenant de l’administration municipale de Saint Georges, la lettre est adressée directement au citoyen Poisson. On n’utilise plus les termes de monsieur et madame, trop évocateurs de l’ancien régime, mais ceux de citoyen citoyenne, et en général on tutoie chacun, car, pour les mêmes raisons, le vouvoiement est banni. Ici, cependant, il résiste car il est difficile de se défaire d’habitudes tellement ancrées. « Nous avions toujours différé à vous faire part des plaintes… » : ainsi commence la lettre.
Ce document est un constat : celui du fonctionnement d’une école. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas flatteur ! Les plaintes des citoyens parents sont nombreuses et étayées. L’insouciance, pour ne pas dire l’incurie du maître est évoquée dès la troisième ligne : trop grande quantité de congés octroyés aux élèves, peu de temps consacré à l’enseignement, éducation sociale et morale inexistante, ignorance du contrat passé avec les responsables municipaux, etc.

transcription du courrier au citoyen poisson (suite)

« Quelquefois vous commencez l’école du matin à 8 heures, et souvent à 10. L’après-midi vous revenez à une heure, et souvent à trois » peut on lire. Evidemment, les élèves, des garçons en profitent pour jouer, se battre jusqu’à déchirer leurs vêtements, lancer des pierres, s’injurier grossièrement, sans que cela émeuve le moins du monde l’instituteur. D’autre part « chaque décade, vos élèves perdent deux ou trois jours, ce qui en fait douze par mois ».
Le maître réside à Angers, sans doute parce que la commune ne peut le loger, comme elle devrait le faire ; il se rend chez lui plusieurs fois par décade, et met plusieurs jours à faire ses déplacements. On imagine bien que les enfants apprennent peu de choses, s’empressent d’oublier ce qu’ils ont appris, et les parents sont mécontents. Pourtant, les édiles l’exhortent « secondez nos vues et tirons cette nombreuse population de l’état de nullité où elle se trouve ».


Le maître est leur employé, puisque il est recruté et payé par la commune. Les salaires sont très bas, et de ce fait les candidats à la charge, souvent peu instruits eux-mêmes, sont rares.
L’administration municipale manifeste un autre sujet de mécontentement : l’instituteur qui a prêté serment de fidélité à la Liberté et l’Egalité, n’est jamais présent à la célébration des fêtes nationales auxquelles il devrait assister à la tête de ses élèves, ainsi que l’exige la loi. Ces fêtes sont principalement celles du 1er vendémiaire ou 22 septembre, célébrant la création de la première république, et du 14 juillet. Les invitations verbales, écrites, ont été réitérées, sans résultat.
Le croirait-on ? Le nombre « des écoliers a considérablement baissé » alors que les révolutionnaires ont fait de l’éducation du peuple une priorité, sans bien toutefois parvenir à leurs fins. D’où l’inquiétude saint georgoise et l’injonction faite au citoyen Poisson de revenir à une attitude raisonnable et de faire part, rapidement de ses intentions.

Le citoyen Poisson sera remercié quelques mois plus tard par le conseil municipal qui lui préférera le citoyen Corbineau, « connu pour son civisme et son amour pour la patrie ».


Sources :
Archives municipales de Saint-Georges-sur-Loire