Saint Georges Patrimoine

Le monument aux morts

photographie du monument aux morts dans le cimetière de la commune

Le monument aux morts dans le cimetière de la commune

A Saint-Georges comme dans de nombreux villages de France, le conseil municipal décide le 27 avril 1919 d’élever un monument « à la mémoire des braves enfants de la commune tombés au champ d’honneur, pendant la Grande Guerre qui, grâce à Dieu, touche à sa fin ». II sera en granit, de forme pyramidale, avec une décoration extrêmement simple, une croix pour rappeler la foi des habitants du lieu. Le conseil municipal souhaite que les noms de toutes les victimes y figurent, surmontés de l’inscription « aux enfants de Saint-Georges morts pour la France ». Il définit même le lieu qui l’accueillera : dans le cimetière, une petite place face à l’entrée.

Le travail est confié à l’entreprise Warnier-Humeau d’Angers, spécialisée dans la construction de monuments funéraires en « pierre, marbre, granit et bronze », annonce l’en-tête de son papier à lettres. Le marché est passé pour 3 617,20 francs (soit un peu plus de 3000 euros), pour un socle en granit de Bécon, et une stèle en granit de Belgique, pierre calcaire très employée en marbrerie funéraire et plus facile à buriner que le granit. Le 20 novembre 1919, en adressant sa facture, Warnier-Humeau précise qu’il a inscrit et doré sur le monument 642 lettres, formant les noms de ceux dont on veut sauver la mémoire : 78 noms seront gravés.

Y a-t-il eu vraiment 78 tués sur une population qui s’élevait, en 1901, à 2344 habitants, soit près de 3,5% ? Il semble que ce chiffre ne corresponde pas à la réalité. Certes, comme partout ailleurs, le bilan est très lourd mais la liste soigneusement gravée comporte quelques erreurs.

Ainsi, certains des hommes inscrits sur le monument sont morts de maladie contractée dans leur village, et non au front (tuberculose, cancer…). C’est le cas pour Joseph Gohard, Joseph Pineau et René Devy. D’autres, comme Jean Audoin ou Louis Barbin, figurent sur 2 monuments : le premier à La Possonnière, le second à Paris dans le 18e arrondissement. Treize de ces combattants ont ainsi les honneurs de plusieurs villages ou villes : en plus de Saint-Georges, on les trouve à Chalonnes-sur-Loire, Sablé, le Mesnil-en-Vallée, Les Ponts-de-Cé, Le Bourg-d’Iré, Angers, Montreuil-sur-Maine, Saint-Georges-du-Puy-de-la-Garde, Saint-Augustin-des-Bois.

Que s’est-il passé ? L’acte de décès a été adressé par l’autorité militaire à la commune du dernier domicile du soldat. Mais celle qui l’a vu naître a souhaité aussi honorer un des siens. C’est, parfois, plus complexe : Henri Delaunay, né à Saint-Florent-le-Vieil, a épousé en 1912 et en première noce une Saint-Georgeoise. Il est tué dans la forêt de Saint-Gobain, dans l’Aisne, en octobre 1918. L’acte de décès est envoyé à Paris dans le  7e arrondissement, le 23 décembre 1919. Et puis, il y a le mystère concernant J.Réthoré : aucun acte officiel d’état civil, dans la commune, ne le concerne. Pourtant… il figure sur le monument.

délibération du conseil municipal en 1919 pour la construction du monument aux morts

La délibération du conseil municipal d’avril 1919

C’est en 1914 que la saignée pour les Saint-Georgeois, a été la plus importante : 21 morts dans ces combats de cinq mois qui se stabilisent sur la Marne, si proche de Paris. C’est l’année du désastre français. Les trois premières victimes saint-georgeoises disparaissent, au sens strict du mot, le 23 août 1914 à Bièvre, dans les Ardennes belges où se déroule un affrontement sans précédent « Un ouragan de fer et de mitraille », peut-on lire dans le Journal de Marche et d’Opération de l’armée. Ils s’appelaient Charles Borgne (25 ans), Gustave Lépine (26 ans), Joseph Ourie (23 ans). Ils faisaient partie du 135e Régiment d’infanterie dont 1500 hommes et 17 officiers, ont ce jour-là, été mis hors de combat ! (tués, blessés ou disparus)

Au cours de ces longues années de guerre, l’un des combattants, René Esnault, a été évacué, blessé et malade, sur Foix, où il meurt de la tuberculose, si loin de chez lui ! Ils sont quelques-uns à finir comme lui leurs jours d’après combat dans des hôpitaux auxiliaires répartis à travers la France entière, et au-delà : Angers, Segré, Chalonnes, Sées, Béziers, Lesneven, Tréguier, A Paris, une maison de santé fondée au 7 rue de la Chaise par le docteur Bonnet, médecin né à Saint-Georges, devient hôpital auxiliaire 49, et le Petit Courrier, quotidien régional, suggère aux blessés angevins de demander à y être transférés pour respirer « un peu de l’air natal » Vaines suggestions, si l’on en croit les lieux de décès recensés !

Les hommes succombent à des infections dues à leurs blessures de guerre, à des dysenteries, des typhoïdes, des septicémies, à l’exposition aux gaz de combat, le chlore dès avril 1915, puis à partir de 1917 l’ypérite ou gaz moutarde, la terrible et nouvelle arme, qui brûle la peau et ronge les poumons. René Daviault, lui, meurt le 27 octobre 1918 en Macédoine, province grecque, puisque depuis 1915 les batailles ravageaient cette région sensible des détroits méditerranéens, convoitées par toutes les puissances, empire ottoman compris. C’est à l’hôpital militaire d’Excisson, qu’il a terminé son existence, emporté par une maladie contractée au front, précise sa fiche militaire, sans donner plus de détails.

Pour certains, l’anxiété familiale se poursuivra bien après la guerre. Il faudra attendre les années 1921-1922 pour connaître leur sort. Chaque fois que l’autorité militaire adresse au maire de Saint-Georges, un acte de décès, on peut lire le nom de ces lieux devenus si tristement célèbres : Verdun, la Somme, Craonne, le fort de Vaux…Combien de fois, Louis de Jumilly, premier magistrat, aura-t-il dû prévenir les familles ? Parfois, à quelques mois d’intervalle, pour des frères, comme les fils Ourie, Joseph et Louis, tous deux portés disparus à un an d’intervalle, de même Louis et René Esnault, 21 et 27 ans, ce dernier marié. Il y a aussi les deux fils Gas, morts l’un en 1915, l’autre en 1917. Est-il encore possible d’imaginer la détresse de leurs parents ?

En réalité, Saint-Georges compte 64 victimes reconnues de cette grande guerre, dont les actes de décès ont été envoyés à la commune….Les corps de certains d’entre eux ont été ramenés petit à petit et inhumés dans le cimetière du village. Pour ceux dont les familles ne possèdent pas de concession, le Conseil municipal, dans sa réunion d’août 1922, décide de leur en accorder une gratuitement. Ainsi, reposent près des leurs : Jean-Baptiste Raimbault, Maurice Peltier, Alexandre Guillot, Jacques Oger et René Desbois

D’autres soldats, les plus nombreux, restent à jamais dans les cimetières, où les ossuaires des zones de combat. Ils sont quinze dans ce cas. Et que dire des « disparus » dont on ne retrouve aucune trace matérielle ? Il y en a douze à Saint-Georges : ce sont Charles Borgne, Pierre Burgevin, René Frotté, Pierre Gautier, Jean Godard, Gustave Lépine, les frères Joseph et Louis Ourie, Eugène Plessis, Alexandre Pouzeau, Jean-Baptiste Raimbault, Henri Renier.

Après plusieurs années, le « jugement déclaratif de décès » permettra à leurs veuves, à leurs enfants devenus orphelins, de bénéficier des mêmes prestations sociales (pensions, prise en charge de la scolarité …), que les familles des « morts pour la France »Il faudra attendre un siècle pour s’apercevoir que des erreurs ont été commises sur la stèle commémorative : l’initiale d’un prénom marquée deux fois parce qu’on l’a confondue avec celle d’un autre, ou une erreur de prénom, ou bien encore l’inscription de ce G. Musset, né à Angers, démobilisé le 13 janvier1919. Il n’a pas été blessé et il se retire à Saint-Georges, bien vivant, sans doute heureux de son sort. Pourtant, son nom figure sur le monument. L’a-t-on confondu avec ce Musset Pierre, malade et réformé, puis rappelé à la fin de la guerre et mort de tuberculose en décembre 1918 dans son village ?

acte de décès d'henri renier

Acte de décès d’Henri Renier

On note aussi le cas de Henri Renier, domicilié à Saint-Georges lors de son incorporation, mais qui n’avait plus de famille. Disparu dès 1914, il n’est pas mentionné sur le monument car la commune n’a été avertie de son décès qu’en 1921, alors que ce dernier était déjà érigé.

Le Conseil municipal du 25 janvier 1920 nous dit qu’une quête, faite le jour de l’inauguration, a permis de recueillir une somme de onze francs pour chaque orphelin de guerre. Ils étaient 13 ! Ce même jour un vin d’honneur a été offert aux « poilus », à ceux qui sont revenus, et la municipalité y a consacré un crédit de mille francs.