L’église fin du XIXe, début du XXe
Qu’est-ce que la fabrique ? Ce n’est ni un atelier ni une usine. Aujourd’hui, nous appellerions cette structure, le « Conseil Economique Paroissial ». C’est de fait, la structure de gestion des biens d’une paroisse. Composée de clercs et de laïcs élus, elle va collecter des fonds pour entretenir les édifices religieux et les mobiliers de la paroisse. Ses revenus proviennent des quêtes, des dons mais également de loyers et fermages.
Trois périodes se distinguent dans l’histoire de ces « fabriques ». D’abord, sous l’ancien régime, jusqu’à la Révolution, la paroisse était la structure administrative sous l’ancien régime. Puis, de la Révolution à la séparation de l’église et de l’état en 1905, l’état va financer en partie le fonctionnement des paroisses et en contrepartie de quoi, les paroisses devront rendre des comptes à l’état. Enfin, depuis 1905 à nos jours, les associations cultuelles sont les organes de gestion des biens paroissiaux.
Au XVIIIème siècle, 34 actes notariés nous permettent d’avoir un aperçu de ce conseil à Saint Georges sur Loire. Parmi les procureurs, c’est-à-dire les membres laïcs de la fabrique, nous avons un panel de professions diverses : chirurgien, maçon, marchand, closier (petit paysan), tailleur d’habit, tailleur de pierre, vigneron, filassier, laboureur (paysan propriétaire d’un train de labour), boulanger, menuisier, maréchal en œuvres blanches (outils coupants), aubergiste, laboureur à bras, bourgeois, cordonnier. Ici, au XVIIIème, la plupart des « procureurs » sont originaires du « tiers état ». Ces derniers cogéraient donc la paroisse aux côtés des membres du clergé.
Les procureurs ou l’évêque demandaient au curé de convoquer l’assemblée générale. Cette convocation était annoncée, plusieurs fois, au prône de la messe du dimanche. L’assemblée se tenait sous le « ballet » (auvent selon Verrier-Onillon), au-devant de la porte principale de l’église. Tous les paroissiens avaient le droit de vote durant l’assemblée. A priori et en conformité avec les coutumes de l’époque, les femmes ne votaient pas et étaient encore moins élues !
Nomination au conseil de la fabrique de 1809
Comme dans toute gestion financière, il y a des recettes et des dépenses. A Saint Georges, les recettes provenaient de la location des bancs à l’église et des recettes des propriétés « baillées » (louées).
L’emplacement des bancs témoignait du pouvoir de la noblesse et de la bourgeoisie locale : le seigneur possédait le banc le plus près de l’autel. Suivaient ceux des personnages importants. Les pauvres qui ne pouvaient rien payer, apportaient leur tabouret ! D’ailleurs, les archives nous content une querelle de préséance dans l’attribution de banc à Mme de l’Estoile, seigneur des Touches Quatreboeufs. C’est un problème de riches. Les pauvres ne veulent pas payer : en 1768, la fabrique fait carreler la nef de l’église et installer des bancs neufs. Lors de l’adjudication des places, 17 paroissiens s’y opposent et menacent de brûler les bancs neufs.
Aux archives municipales, nous avons un état financier et nominatif des bancs et chaises en 1777. Les bancs, dont le tarif était d’au moins une livre, étaient réservés à la noblesse et à la bourgeoisie. Pour avoir les chaises bien placées, il fallait débourser 10 sols soit la moitié d’une livre et les chaises moins bien placées, le long d’un mur ou derrière un pilier, valaient cinq sols. Au total, en 1777, la vente des bancs a rapporté 74 livres 16 sols.
Les propriétés de la fabrique étaient bien pauvres. En 1760, elle possède une maison appelée « le jeu de paume » (louée 41 sols) , des prés loués (40 livres 5 sols), des terres louées (106 livres 15 sols), des vignes louées (28 livres 10 sols) et une boutique contiguë à l’église louée (30 sols). Le petit et le grand cimetière sont également loués pour 26 livres : on y fait paître du bétail et les arbres et épines sont exploitées. La fabrique prête aussi de l’argent et perçoit des remboursements de rentes pour 31 livres 15 sols. Au total, en 1760, les recettes des propriétés de la fabrique s’élevaient à 206 livres 12 sols. Mais ces revenus varient beaucoup d’une année à l’autre. En 1777, les locations des prés sont divisées par deux et celles des terres par cinq. Les recettes sont alors amputées de moitié. Dans un registre des comptes « abrégés », de 1775 à 1787, les recettes varient de 100 à 260 livres, sauf en 1780 avec seulement 19 livres de recettes.
A la Révolution, par le décret du 2 novembre 1789, les biens ecclésiastiques sont mis à la disposition de la Nation. Les fabriques demeurent cependant administrées comme par le passé par les conseils. En 1793, les biens des fabriques deviennent également propriété nationale. La loi de 1802, établit que les fabriques veilleront à l’entretien des lieux de culte et le décret de 1804 leur confie également l’organisation des services funéraires. Le décret du 30 décembre 1809 organise le fonctionnement des fabriques dans chaque paroisse. Elles deviennent alors des établissements publics du culte, et ce jusqu’en 1905. Le conseil de fabrique comprend alors le curé, le maire et cinq à neuf membres élus.
Au XIXe siècle, on trouve, au conseil de fabrique de Saint Georges, des familles actives à la fin de la Révolution : Faugeron (dont trois membres seront maires de la commune), Greneron Ternant (Jean Jacques Greneron Ternant fut le second maire de Saint Georges), Thierry, Hortode, Granger, Gourdon, Lemée. Dans la seconde moitié de ce siècle, on voit en permanence les deux grandes seigneuries de Saint Georges présentes : le comte Walsh de Serrant et le vicomte de Cumont propriétaire de l’Epinay. D’autres familles apparaissent : Séchet, Pasquier, Hudon, Bachelot, Rabineau Bourrigault, Blond…
Au cours du XIXe siècle, la location des bancs rapporte au moins 90 % des recettes. L’organisation des obsèques, une des compétences dévolues à la fabrique, complète ses revenues. Dans les budgets prévisionnels, les traitements du personnel ( vicaires, chantres, sacristains, suisse, enfants de chœur, organistes) représentent la moitié des dépenses. L’autre moitié correspond à des frais de fonctionnement. Le coût de l’entretien des bâtiments est négligeable : il faut dire que l’église est neuve.
A partir de 1894, les archives sont plus précises : la location des bancs représente 94 % des recettes ; des dépenses de fonctionnement (49 %) deviennent plus importantes que celles des traitements (41 %). Notons l’apparition d’un prélèvement pour la caisse de secours des prêtres âgés ou infirmes, l’ancêtre des caisses de retraites.
Durant cette période, deux financements apparaissent dans les budgets extraordinaires. Tout d’abord l’achat d’un orgue pour l’église. Cet orgue, un Cavaillé-Coll, a été inauguré le 2 décembre 1874. Le montant de l’investissement se situait aux environs de 10 000 francs. L’Etat a participé au financement : 1000 francs en 1874, 300 francs en 1876, puis encore 300 francs en 1877. Les aides sont accordées par le vicomte Arthur de Cumont, alors ministre de l’Instruction et des Cultes. Propriétaire du château de l’Epinay, il sera élu maire de Saint Georges de 1887 à 1897.
Le deuxième financement extraordinaire s’est produit en 1901. En 1900, une tempête a provoqué de gros dégâts sur l’église et le presbytère. Dès 1901, la fabrique fait faire les premières réparations sur l’église et les finance sur fonds propres à hauteur de 724 francs. Pour continuer ces réparations, la fabrique négocie un emprunt de 4000 francs auprès de la Caisse des dépôts et Consignations. Cette dernière ne l’accorde qu’à condition que le conseil municipal se porte caution. Le remboursement se fera sur 25 ans avec des annuités de 244 francs.
Lettre du ministère de l’instruction publique et des cultes pour une subvention de 1 000 francs à la fabrique pour l’achat de l’orgue
L’orgue de l’église acheté par la fabrique en 1874
La loi du 28 décembre 1904 retire aux fabriques et consistoires et donne aux communes le monopole de l’organisation des funérailles. Par la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905, les fabriques sont supprimées. La loi prévoit la création, au niveau communal, d’associations cultuelles de fidèles, pour subvenir aux frais, à l’entretien et à l’exercice public du culte. À ces associations seront confiés les bâtiments destinés au culte appartenant à la Nation et la part des biens des fabriques relatives exclusivement à l’exercice du culte. L’Église catholique refusera de créer les associations cultuelles telles que prévues dans la loi de 1905. Il faudra attendre 1924 et l’accord sur les associations diocésaines pour débloquer la situation.
A compter de 1907, à Saint Georges, la fabrique devient le conseil paroissial. Les conseillers ne sont plus élus, mais recrutés par le curé. On y trouve principalement des notables. Au chapitre des dépenses, les gages des employés subsistent : sacristains, chantres, organistes, enfants de chœur. Il semble qu’en 1928, ce conseil paroissial a fait un gros emprunt pour les écoles, car les premiers remboursements apparaissent en 1929. Au chapitre des recettes, la location des chaises constitue la partie la plus importante. Cette location perdurera jusque dans les années 1950.