Signature de Luc de Salles (Registre de 1776, ADML)
Lithographie du prieuré de Saint-Orens en Lavedan, datée de 1833, et réalisée par Louise-Joséphine Sarazin de Belmont.
Luc de Salles est le troisième fils de Joseph de Salles, baron de Hys, conseiller au Parlement de Toulouse et de son épouse Jeanne de Laffont-Mascaras.
Luc de Salles est docteur en théologie et conseiller au parlement de Navarre.
En 1755, Luc de Salles est nommé chapelain à des églises Saint Siméon et Chapelet de Bordeaux par Amanieu et Pierre du Freiche qui lui versent un bénéfice pour organiser des messes.
En 1762, il devient prieur commendataire de Saint Orens en Levadan affilié à Cluny dans les Hautes Pyrénées. Isolée, l’abbaye est en déclin et quasiment désertée : seuls trois moines y habitent. Le 23 Mars, 1763, la cours des comptes de Navarre demande à Luc de Salles un dénombrement des droits et propriétés du couvent. Les revenus du prieuré étaient modestes : quelques terres, un moulin et un droit de pêche sur le lac de Saint Orens. S’y ajoutaient de maigres recettes liées à la gestion du cimetière, des taxes dans les villages voisins et un supplément pour être enterré dans le cloître. On comprend aisément le manque de moyens pour restaurer les bâtiments et survenir aux besoins : l’abbaye va être abandonnée. En 1786, l’église abbatiale sera déconsacrée et son mobilier rejoindra l’église de Villelongue et tout le site sera vendu à la Révolution.
Il est chanoine théologal de l’église cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Lescar dans la banlieue de Pau. Il fonde une bourse au séminaire pour les ecclésiastiques les plus pauvres du diocèse. En 1764, Luc de Salles renonce à cette charge au profit de son neveu, Christophe Le Come.
A la mort de l’abbé de Saint Aulaire, Luc de Salles est nommé abbé commendataire de l’abbaye de Saint Georges sur Loire le 2 février 1766. Il propose alors un bail à vie aux chanoines dont le montant est le double de la pension perçue par son prédécesseur. Les chanoines refusent et engagent un bras de fer juridique contre l’abbé. Luc de Salles a la volonté de faire appliquer la réforme de Sainte Geneviève : depuis 1658, les chanoines devraient observer ces règles qui leurs imposent la mise en commun de leurs biens notamment et la possibilité de vivre uniquement des revenus des offices, l’abbé versant une pension annuelle. Luc de Salles soupçonne les chanoines de conserver des possessions ; il ordonne un état des lieux, obligeant les chanoines à justifier toutes leurs propriétés. Mais l’abbé remet en cause les conclusions de ses propres hommes, les jugeant de prendre parti pour les chanoines. Il se déplace sur place avec ses artisans. Suspicieux, l’abbé a des exigences. Cette fuie doit être remise en état : elle est en ruine depuis près d’un siècle. L’étang doit être curé : cette pratique n’a pas cours en Anjou. Il faut planter des asperges, artichauts, salsifis, betteraves et poireaux dans le jardin du logis abbatial. Cette chapelle doit être transformé en grange. Les chanoines tentent d’argumenter, étayant leur discours d’ouvrages sortis de leur bibliothèque : rien ne fait changer d’avis l’abbé autoritaire.
L’affaire s’éternisant, le Roi nomme trois avocats en 1770 pour clore l’affaire. Peine perdue ! Mr Case de la Bove, maître des Requêtes, est nommé par le grand conseil pour régler les derniers différents. L’évêque d’Angers, Jacques de Grasse, se propose comme médiateur. Les chanoines acceptent. Mais Luc de Salles publie un mémoire de 375 pages précisant les 174 objets de contestation ! En réponse, les chanoines éditent à leur tour un document de 410 pages qu’ils adressent à Mr Case de la Bove. L’abbé et les chanoines vont ensuite se répondre dans des publications régulières de précis et de mémoires. En tout ce sont quelques 1 124 pages qui seront échangées ainsi jusqu’en 1778 ! Les jugements ne sont pas connus. Pour les chanoines, le coût des procès de 1771 à 1789 s’élève à 12 565 livres, soit une année complète de recettes !
Première page du premier mémoire des chanoines contre Luc de Salles
Pour couvrir les dépenses, Luc de Salles tout comme les chanoines ont considérablement augmenté les montants des fermages. Les loyers sont passés de 7100 livres en 1774 à 13 421 livres en 1786. Les fermiers ont payé ! Quelques « baux à ferme » se sont transformé en « baux à moitié », deux familles au lieu d’une, louaient la même ferme !
En 1766, quand il reçoit l’abbaye de Saint Georges en commende, Luc de Salles habite Pau. En 1668, il siège aux Etats Généraux de la province de Bigorre convoqués par ordre du Roi Louis XV afin de réviser les usages et coutumes de la Province : les ecclésiastiques se voient accorder le droit d’hériter et on accorde aux nobles la possibilité de choisir leur héritier. Ces décisions provoquèrent une forte opposition des seigneurs locaux qui y virent des revendications bourgeoises.
En 1771, Luc de Salles loge à Paris dans un monastère et a troqué son titre de conseiller au Parlement de Navarre pour celui de Paris. En 1776, Luc de Salles devient conseiller du Roi en son Grand Conseil et possède son appartement particulier à Paris. L’abbé a donc connu un rapide ascension sociale.
Luc de Salles est décédé à Saint-Georges, en son palais abbatial, le 9 septembre 1786. Il lègue par acte notarier passé le 25 avril 1786, une rente de 480 livres annuelles pour les pauvres de la paroisse.
Première page du premier mémoire des chanoines contre Luc de Salles