Portrait de Roger d’Aumont (parfois identifié comme étant Charles d’Aumont son neveu qui prendra sa suite à l’abbaye d’Uzerches et de Saint Aubin)
Roger d’Aumont, né en 1605, est le troisième fils de Jacques d’Aumont, baron de Chappes et prévôt de Paris. Son frère ainé, Antoine d’Aumont sera enfant d’honneur de Louis XIII et deviendra capitaine de la garde du roi. Après s’être distingué dans la bataille de Rethel, il sera nommé maréchal de France et gouverneur de Paris.
Roger d’Aumont lui est destiné très jeune à l’Eglise. En 1621, il devient abbé commendataire de l’abbaye Saint Pierre d’Uzerche dans le Limousin. Le roi nommait en effet des religieux ou parfois des laïcs qui en recevaient les revenus sans les habiter. En 1625, il devient aumônier du roi.
En 1638, Roger d’Aumont reçoit également les bénéfices de l’abbaye de Notre Dame de Barzelle dans le diocèse de Bourges en 1638, puis de l’abbaye de Beaulieu dans le diocèse de Boulogne. Les chanoines l’élise alors doyen du chapitre de Boulogne mais Roger d’Aumont qui ne souhaite pas résider à Boulogne et qui a certainement déjà des visées plus hautes, décline la charge le 16 février 1639 dans une simple lettre d’excuse. En 1645, il reçoit l’abbaye de Longvilliers en commende.
Roger d’Aumont est nommé évêque d’Avranches en 1644 par Louis XIV et consacré en mai 1645 à Paris. Si le peuple lui est plutôt favorable, l’évêque est en conflit permanent avec le clergé d’Avranches : les chanoines le surnomment « Rodomont »- autrement dit le fanfaron -, certains allant jusqu’à raturer la deuxième syllabe de de son prénom sur sa signature. Il faut dire que Roger d’Aumont est un prélat atypique n’hésitant pas à provoquer en duel les gentilhommes de son diocèse alors que cette pratique est formellement interdite depuis le Concile de Trente. Un jour, au beau milieu d’une procession, il quitte le cortège en habits pontificaux pour asséner des coups de crosse à un certain Monsieur Juvigny qu’il haïssait.
En mai 1647, Roger d’Aumont entre en conflit avec les moines du Mont Saint Michel. Il existait depuis longtemps une défiance de la communauté du Mont Saint Michel envers les évêques d’Avranches : les religieux revendiquaient une certaine autonomie et esquivaient les visites épiscopales. A la nomination de Roger d’Aumont, les moines semblent vouloir acheter cette liberté : le 13 mai 1646, ils lui font parvenir un esturgeon de 9 pieds et demi, met de choix. Mais l’évêque n’est pas dupe. L’absence du curé du Mont Saint Michel au synode est pour lui un affront qu’il ne peut tolérer. L’évêque déclare au synode du 2 mai 1646 que les religieux du Mont Saint Michel sont incapables d’entendre la confession du peuple. Souhaitant marquer son autorité, il annonce une visite officielle. C’est donc accompagné de toute une procession qu’il se rend pour la première fois au Mont le 24 mai 1646. Le prieur concède l’accès à l’église de l’abbaye et à l’église paroissiale mais refuse l’accès aux lieux réguliers du monastère. Roger d’Aumont ne l’entend pas ainsi : il se présente à la porte de l’abbaye accompagné d’hommes armés d’épées. Les moines cèdent et accueillent l’évêque avec les honneurs de son rang. Roger d’Aumont s’arrête devant les confessionnaux et demande qui a approuvé les confesseurs. Le prieur se désigne et évoque une tractation passée avec les évêques d’Avranches. Roger d’Aumont déclare interdit les confesseurs. Une querelle éclate. Roger d’Aumont irrité, prononce contre les moines l’excommunication. La visite se poursuit dans un climat de plus en plus hostile : on refuse à l’évêque l’entrée du chapitre. Le prélat fait ouvrir par un serrurier venu d’Avranches les portes de l’église Saint Pierre du Mont et de toutes les portes du Sanctuaire. Il fait renvoyer le curé. Après ce coup d’éclat, il dîne dans une auberge avant de retourner à Avranches. Les bénédictins se plaignent du comportement de l’évêque auprès du Grand Conseil. Le scandale éclabousse l’évêque : il a permis à des hommes en armes de pénétrer dans des lieux saints ce qui est formellement interdit. En 1648, le Grand Conseil rend son jugement après pas moins de neuf audiences : si les églises et l’abbaye doivent être soumises à la visite épiscopale, il est défendu à l’évêque de se rendre dans les lieux réguliers de la congrégation. Le Grand Conseil donne ainsi raison au prieur du Mont Saint Michel. En revanche, le jugement réserve formellement l’approbation des confesseurs à l’évêque. Roger d’Aumont reçoit le prieur du Mont saint Michel le 3 juillet 1648 et tente de le rassurer de ses bonnes dispositions envers la communauté. La réconciliation est actée.
En 1650, Roger d’Aumont doit cependant de nouveau répondre de ses décisions devant la justice. Les moines de l’abbaye de Barzelle dont il est abbé commendataire l’accuse de négligence dans l’entretien : l’abbé touche en effet deux tiers des revenus et se doit de financer les réparations du bâtiment. Mais Roger d’Aumont juge insuffisant le bénéfice et l’état de l’abbaye est très dégradé. Sous la pression des moines, le Grand Conseil ordonne une visite. L’abbé de l’Etoile, Placide Petit, rend son verdict : l’abbé manque à ses devoirs. Roger d’Aumont conteste immédiatement cet avis. S’en suivent des mois de procès. Un an plus tard, une transaction est signée donnant en partie satisfaction aux moines. Si l’abbé de l’Etoile avait certainement noircit le tableau, Roger d’Aumont est contraint de payer des travaux importants.
Affaibli, d’une santé précaire, Roger d’Aumont n’est pas en capacité de faire face aux troubles de la Fronde, ce temps de révolte qui secoue la France entre 1648 et 1653. En 1651, il échange son siège avec Gabriel de Boylesve, abbé de Saint Georges sur Loire et de Saint Aubin des bois dans le diocèse de Saint Brieuc.
Roger d’Aumont se retire dans l’hôtel particulier de son frère à Paris, aujourd’hui le tribunal administratif, où il meurt le 25 mars 1653 à quarante-huit ans.
L’actuel tribunal administratif de Paris, hôtel particulier dont les plans furent réalisés par Le Vau et où Roger d’Aumont mourut en 1653