Saint Georges Patrimoine

Braconnage à Serrant

1686 - 1789 Le Siècle des Lumières

Chateau de serrant au XVIIIème

Le chateau de Serrant au XVIIIème siècle

Aux XVII° et XVIII° siècles, de grandes forêts enserrent le domaine de Serrant. Au plus près du château on peut citer celles du Grand et Petit Fouilloux, des Echats, de Linières, de Longuenée, et de l’autre côté de la Loire, près des Ponts de Cé, la belle forêt de Bellepoule.

Elles recèlent nombre de richesses dont le propriétaire, comte de Serrant fait grand cas, et usage marchand. Elles sont donc aussi une tentation permanente pour tous ceux qui ne peuvent prétendre en profiter. Les vols de bois y sont fréquents, attestés par les nombreux procès verbaux que contiennent les archives de Serrant. On y abat des arbres clandestinement, on s’empare de branches et de fagots auxquels on n’a pas droit. Les recherches de coupables sont vives et les châtiments se veulent dissuasifs : emprisonnement, saisie des biens du contrevenant par exemple.

Le braconnage, entreprise illicite,  y prospère aussi malgré les avertissements, les menaces, les amendes, les emprisonnements occasionnels. En effet, la chasse est un privilège royal ou seigneurial. Les gens du peuple n’ont le droit de prendre aucun animal. Toute prise est considérée comme un vol.

Dans les archives de Serrant, on découvre une injonction du comte de Serrant Guillaume III Bautru, interdisant “à tous les bourgeois, marchands, artisans, habitants des villes et des hameaux de chasser quelque gibier de poil ou de plume. La peine encourue est une amende, doublée en cas de récidive. La troisième faute s’accompagne d’une mise au pilori pour trois heures aux heures de marché.

La forêt et l’intégralité de ce qui la constitue, c’est-à-dire tous les animaux qui y vivent appartiennent  donc au seigneur propriétaire. Il en est de même pour les cervidés, les sangliers, qui sortent des bois, traversent champs et prés, piétinent les terres, labourent les parcelles cultivées ou les pigeons qui s’abattent sur les semailles. Un document de 1722 précise, “il y a des particuliers qui tuent les pigeons des fuies (pigeonniers) à coup de fusil ce qui est défendu”.

Et les garde-chasses veillent ! Ils sont nombreux, nommés par le seigneur, d’abord les Bautru père et fils, puis à partir de 1750 les Walsh. Ils sont armés, affichant ainsi ostensiblement leur pouvoir, alors qu’aucun paysan, artisan, journalier n’a le droit de porter un fusil… qui le rendrait potentiellement dangereux.

manuscrit de la plainte de Guillaume III Bautru

Manuscrit des archives du château de Serrant

Les archives du château de Serrant sont riches de procès-verbaux ou de plaintes auprès du tribunal royal, ayant pour objets les méfaits commis par les braconniers. Ainsi en 1687, Guillaume III Bautru, comte de Serrant, accuse un groupe de chasser à pied et à cheval de jour comme de nuit, aux chiens et au fusil, sur ses terres. Des cerfs, des biches, des chevreuils, des sangliers et des lièvres ont été tués. Les braconniers ont été vus faisant le guet le soir et le matin au bord d’étangs et dans des bois. Les bêtes sont mangées ou bien vendues, rapportant un joli butin. Le braconnage semble alimenter tout un commerce. Ainsi à noël, un cerf est tué, écorché et découpé. La viande, la peau mais également les bois, tout a été vendu. On évoque aussi des renards, des lièvres et un grand nombre de perdrix. Le comte obtient du grand maitre des Eaux et Forest délégation pour rechercher des coupables et les châtier.

Aussi, la recherche initiée par le comte de Serrant vise un champ large : on recherche des individus braconniers, des donneurs d’ordre, des complices. On veut dresser la liste des différents lieux où les délits ont été accomplis, celle des époques de traque, celle des animaux chassés, et on assure que ceux qui ne dénoncent pas ces agissements alors qu’ils en ont connaissance sont également coupables.

Les appels à témoin sont vains : personne n”a rien vu… ou l’on ne souhaite pas que l’enquête aboutisse. Peut-on y voir une première défiance au pouvoir seigneurial ?

Quelques mois plus tard, dans le cahier de doléances de la paroisse de Saint Georges, rédigé avant la convocation des Etats Généraux de mai 1789, les habitants du village réclament “qu’il soit permis à tout particulier d’empêcher les dévastations de ses champs faites par les cerfs, biches, sangliers, lapins et pigeons, pourvu qu’il ne serve pas d’armes à feu et que les fuies (pigeonniers) ouvertes soient prohibées et que les seigneurs ne puissent les faire ouvrir qu’après la révolte et après que les grains soient levés.”

En octobre 1789, une foule en colère se rassemble dans la cour du château de Serrant. Les paysans réclament le remboursement d’amendes infligés pendant de nombreuses années par les gardes forestiers et garde chasses, pour des prélèvements de bois et de gibier. Terrifiée par ces comportements nouveaux, et pour elle déconcertants, la comtesse obtempère !