Un secrétaire de mairie au XIXème
En ce 21 août 1823, le conseil municipal de Saint-Georges est réuni pour traiter d’une affaire peu ordinaire. Il va régler le sort du secrétaire de mairie, un certain « sieur Viot » dont on ne précise ni le prénom, ni l’âge, ni la commune d’origine.
Les conseillers sont réunis en la « maison commune », peut-être cette aile nord de l’ancienne abbaye qui fut démolie en 1970, et qui partait de l’entrée nord actuelle, vers la route Angers Nantes, appelée alors route royale. En effet, en 1823, règne le roi Louis XVIII, frère du malheureux Louis XVI guillotiné, qui succède à l’empereur Napoléon Ier.
Le maire de Saint-Georges, c’est le notaire Pierre François Oger. Il n’a pas été élu, mais comme tous ses confrères, nommé par le pouvoir, c’est à dire le préfet de Maine et Loire, le baron Alexis de Wismes.
Il n’y a qu’un poste d’employé de bureau communal : c’et celui du secrétaire de mairie. Il est chargé de la rédaction de tous les actes qui rythment la vie municipale :
Il rédigeait aussi, souvent, les demandes diverses d’une population encore massivement illettrée, essayant d’expliquer les méandres d’une administration complexe. Il jouait par conséquent le rôle, sans doute comme le curé et l’instituteur, d’écrivain public.
On comprend donc que, sans cesse en contact avec le public, il exerçait une fonction importante. Pour cela il percevait 250 sols par an et il était logé.
Or, nous dit la délibération du 21 août « continuellement ivre, et dans ces moments brutal et grossier envers le public, ce qui lui a fait perdre la confiance du maire et son estime ainsi que celle des honnêtes gens », il est démis de ses fonctions à compter du 30 août.
Évidemment, il correspond peu à ce que l’on attend du titulaire de la charge !
Surtout qu’en cette première moitié du XIXe siècle, la condition de moralité était indispensable pour accéder aux emplois publics, et les exercer.
Il devra selon toute logique, céder sa place et « il remettra tous les titres, pièces, arrêtés, registres, comptes, budget, et généralement tout ce qui compose les pièces, titres de la mairie, à son administration ». « Il remettra également tous les mobiliers, tables, chaises, bancs, bureaux, armoires, rayons appartenant à la mairie et à la commune »
Le mobilier nous paraît modeste, mais il est essentiel au bon fonctionnement du service.
Le secrétaire de mairie était au sens strict, un gratte-papier. Ses outils ? des plumes, de l’encre, du papier, un grattoir et la poudre de bois dont on saupoudrait les lignes fraîchement écrites afin de les faire sécher. (le papier buvard n’apparaîtra qu’à la fin du XIXe siècle). Rien d’autre. Pour préserver les manches de son habit, il enfilait, au début de sa journée de travail, des manches en toile appelées lustrines, et qui protégeaient des taches d’encre, de la poussière, des déchets de gomme.
Le symbole de son importance ? « La clé de la chambre du conseil des délibérations » qu’il sera tenu de rendre ainsi que celle du cabinet entre les deux chambres, servant de dépôt pour les armes et pour le matériel ».
Il devra aussi quitter son logement « à la toussaint prochaine », et d’ici là, il lui est interdit d’y recevoir « aucune femme étrangère, surtout celles mal notées ». On ne sait ce qui était le plus grave : qu’elles soient étrangères ou de mauvaises réputation.
Ainsi disparaît le sieur Viot., dont une note inscrite sur le registre des mariages, nous apprend qu’il se prénommait Nicolas-Antoine, et qu’il était, en 1823, âgé de 65 ans. Aucune trace de sa défense. S’est-il défendu seulement ? A t-il trouvé quelqu’un pour le soutenir, hors les piliers de cabaret ? Et comme il faut bien que la fonction continue, on nomme illico le sieur Le Maguérèze, instituteur de son état, qui bénéficiera des conditions et attributions que la commune accordait à son prédécesseur. Il entre en fonction dès le 1er septembre. L’administration municipale est sauve, la continuité du service assurée !
L’instituteur démissionnera de son poste en septembre 1824, et sera remplacé par Paul Polet « capable de remplir avantageusement la place de secrétaire de mairie »
Sources : Françoise Capelle dans le magazine municipal n°132 de janvier 2010 à partir des Archives municipales